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des cétacées.

soyons pas étonnés que le génie de l’allégorie ait voulu les regarder comme les emblêmes de la durée, aussi-bien que de l’étendue, et par conséquent comme les symboles de la puissance éternelle et créatrice.

Mais si les grands cétacées ont pu vivre tant de siècles et dominer sur de si grands espaces, ils ont dû éprouver toutes les vicissitudes des temps, comme celles des lieux : et les voilà encore, pour la morale et la philosophie, des images imposantes qui rappellent les catastrophes du pouvoir et de la grandeur.

Ici les extrêmes se touchent. La rose et l’éphémère sont aussi les emblêmes de l’instabilité. Et quelle différence entre la durée de la baleine et celle de la rose ! L’homme même, comparé à la baleine, ne vit qu’âge de rose. Il paroît à peine occuper un point dans la durée, pendant qu’un très-petit nombre de générations de cétacées remonte jusqu’aux époques terribles des grandes et dernières révolutions du globe. Les grandes espèces de cétacées sont contemporaines de ces catastrophes épouvantables qui ont bouleversé la surface de la terre ; elles restent seules de ces premiers âges du monde ; elles en sont, pour ainsi dire, les ruines vivantes ; et si le voyageur éclairé et sensible contemple avec ravissement, au milieu des sables brûlans et des montagnes nues de la haute Égypte, ces monumens gigantesques de l’art, ces colonnes, ces statues, ces temples à demi détruits, qui lui présentent l’histoire consacrée des premiers temps de l’espèce humaine,