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des baleines.

blissement que chaque instant accroît, tout l’oblige à sortir de cet asyle. Elle ne suit plus dans sa fuite de direction déterminée. Bientôt elle s’arrête ; et réduite aux abois, elle ne peut plus que soulever son énorme masse, et chercher à parer avec ses nageoires les coups qu’on lui porte encore. Redoutable cependant lors même qu’elle expire, ses derniers momens sont ceux du plus grand des animaux. Tant qu’elle combat encore contre la mort, on évite avec effroi sa terrible queue, dont un seul coup feroit voler la chaloupe en éclats ; on ne manœuvre que pour l’empêcher d’aller terminer sa cruelle agonie dans des profondeurs recouvertes par des bancs de glace, qui ne permettroient d’en retirer son cadavre qu’avec beaucoup de peine.

Les Groenlandois, par un usage semblable à celui qu’Oppien attribue à ceux qui pêchoient de son temps dans la mer Atlantique, attachent aux harpons qu’ils lancent, avec autant d’adresse que d’intrépidité, contre la baleine, des espèces d’outres faites avec de la peau de phoque, et pleines d’air atmosphérique. Ces outres très-légères, non seulement font que les harpons qui se détachent flottent et ne sont pas perdus, mais encore empêchent le cétacée blessé de plonger dans la mer, et de disparoître aux yeux des pêcheurs. Elles augmentent assez la légèreté spécifique de l’animal, dans un moment où l’affoiblissement de ses forces ne permet à ses nageoires et à sa queue de lutter contre cette légèreté qu’avec beaucoup de désavantage, pour que la petite