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vent impétueux, empêchoient souvent qu’on ne poursuivît celles que le harpon avoit percées ; en vain ces cétacées blessés s’échappoient quelquefois à de si grandes distances, que l’équipage du canot pêcheur étoit obligé de couper la ligne attachée au harpon, et qui, l’entraînant avec vîtesse, l’auroit bientôt assez éloigné des vaisseaux pour qu’il fût perdu sur la surface des mers ; en vain les baleines que la lance avoit ensanglantées, avertissoient par leur fuite précipitée celles que l’on n’avoit pas encore découvertes, de l’approche de l’ennemi : le courage ou plutôt l’audace des pêcheurs surmontoit tous les obstacles. Ils montoient au haut des mâts pour appercevoir de loin les cétacées qu’ils cherchoient ; ils affrontoient les glaçons flottans, et, voulant trouver leur salut dans le danger même, ils amarroient leurs bâtimens aux extrémités des glaces mouvantes.

Les baleines, fatiguées enfin d’une guerre si longue et si opiniâtre, disparurent de nouveau, s’enfoncèrent sous les glaces fixes, et choisirent particulièrement leur asyle sous cette croûte immense et congelée, que les Bataves avoient nommée westys (la glace de l’ouest).

Les pêcheurs allèrent jusqu’à ces glaces immobiles, au travers de glaçons mouvans, de montagnes flottantes, et par conséquent de tous les périls ; ils les investirent ; et s’approchant dans leurs chaloupes de ces bords glacés, ils épièrent avec une constance merveilleuse les momens où les baleines étoient contraintes de