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histoire naturelle

auprès des côtes du Groenland, de l’île de J. Mayen, et du Spitzberg, y étoient très-multipliées ; mais que les pêcheurs des différentes nations arrivant dans ces parages, se les partageant comme leur domaine, et ne cessant d’y attaquer ces grands cétacées, les baleines franches, devenues farouches, abandonnèrent des mers où un combat succédoit sans cesse à un autre combat, se réfugièrent vers les glaces du pôle, et conserveront cet asyle jusqu’à l’époque où, poursuivies au milieu de ces glaces les plus septentrionales, elles reviendront vers les côtes du Spitzberg et les baies du Groenland, qu’elles habitoient paisiblement avant l’arrivée des premiers navigateurs.

Voilà pourquoi plus on approche du pôle, plus on trouve de bancs de glace, et plus les baleines que l’on rencontre sont grosses, chargées de graisse huileuse, familières, pour ainsi dire, et faciles à prendre.

Et voilà pourquoi encore les grandes baleines franches que l’on voit en-deçà du soixantième degré de latitude, vers le Labrador, par exemple, et vers le Canada, paroissent presque toutes blessées par des harpons lancés dans les parages polaires.

On assure néanmoins que pendant l’hiver les baleines disparoissent d’auprès des rivages envahis par les glaces, quittent le voisinage du pôle, et s’avancent dans la zone tempérée, jusqu’au retour du printemps. Mais, dans cette migration périodique, elles ne doivent pas fuir un froid qu’elles peuvent supporter ; elles