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sa queue, qu’elle lui imprime un mouvement bien supérieur à celui qui fait parcourir onze mètres par seconde, qu’elle lui donne, pour ainsi dire, la rapidité de l’éclair, quel violent coup de foudre elle doit frapper !

Est-on surpris maintenant, que lorsque des bâtimens l’assiégent dans une baie, elle n’ait besoin que de plonger et de se relever avec violence au-dessous de ces vaisseaux, pour les soulever, les culbuter, les couler à fond, disperser cette foible barrière, et cingler en vainqueur sur le vaste océan[1] ?

À la force individuelle les baleines franches peuvent réunir la puissance que donne le nombre. Quelque troublées qu’elles soient maintenant dans leurs retraites boréales, elles vont encore souvent par troupes. Ne se disputant pas une nourriture qu’elles trouvent ordinairement en très-grande abondance, et n’étant pas habituellement agitées par des passions violentes, elles sont naturellement pacifiques, douces, et entraînées les unes vers les autres par une sorte d’affection quelquefois assez vive et même assez constante. Mais si elles n’ont pas besoin de se défendre les unes contre les autres, elles peuvent être contraintes d’employer leur puissance pour repousser des ennemis dangereux, ou d’avoir recours à quelques manœuvres pour se délivrer

  1. On peut voir, dans l’ouvrage du savant professeur Schneider sur la Synonymie des poissons et des cétacées décrits par Artédi, le passage d’Albert, qu’il cite page 163.