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des baleines.

franches de se nourrir de mollusques et de crabes, est l’état de maigreur auquel elles sont réduites, lorsqu’elles séjournent dans des mers où ces mollusques et ces crabes sont en très-petit nombre. Le capitaine Jacques Colnett a vu et pris de ces baleines dénuées de graisse, à seize degrés treize minutes de latitude boréale, dans le grand Océan équinoxial, auprès de Guatimala, et par conséquent dans la zone torride[1]. Elles étoient si maigres, qu’elles avoient à peine assez d’huile pour flotter ; et lorsqu’elles furent dépecées, leurs carcasses coulèrent à fond, comme des pierres pesantes.

Les qualités des alimens de la baleine franche donnent à ses excrémens un peu de solidité, et une couleur ordinairement voisine de celle du safran, mais qui, dans certaines circonstances, offre des nuances rougeâtres, et peut fournir, suivant l’opinion de certains auteurs, une teinture assez belle et durable. Cette dernière propriété s’accorderoit avec ce que nous avons dit dans plus d’un endroit de l’Histoire des poissons. Nous y avons fait observer que les mollusques non seulement élaboroient cette substance, qui, en se durcissant autour d’eux, devenoit une nacre brillante ou une coquille ornée des plus vives couleurs, mais encore paroissoient fournir aux poissons dont ils étoient la proie, la matière argentine qui se rassembloit en écailles

  1. A Voyage in the south Atlantic, for the purpose of extending the spermaceti whale fisheries, etc. by captain James Colnett. London, 1798.