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des baleines.

de la distance, à la rigueur des frimas, à la violence des tempêtes : ce besoin impérieux de jouissances sans cesse renouvelées, que la société humaine a fait naître, vous poursuit au travers de l’espace, des orages et des glaces ; il vous trouble au bout du monde, comme au sein des cités qu’il a élevées ; et, fils ingrat de la Nature, il ne tend qu’à l’attrister et l’asservir !

Cependant quel temps est nécessaire pour que ce baleineau si chéri, si soigné, si protégé, si défendu, parvienne au terme de son accroissement ?

On l’ignore. On ne connoît pas la durée du développement des baleines : nous savons seulement qu’il s’opère avec une grande lenteur. Il y a plus de cinq ou six siècles qu’on donne la chasse à ces animaux ; et néanmoins, depuis le premier carnage que l’homme en a fait, aucun de ces cétacées ne paroît avoir encore eu le temps nécessaire pour acquérir le volume qu’ils présentoient lors des premières navigations et des premières pêches dans les mers polaires. La vie de la baleine peut donc être de bien des siècles ; et lorsque. Buffon a dit, Une baleine peut bien vivre mille ans, puisqu’une carpe en vit plus de deux cents, il n’a rien dit d’exagéré. Quel nouveau sujet de réflexions !

Voilà, dans le même objet, l’exemple de la plus longue durée, en même temps que de la plus grande masse ; et cet être si supérieur est un des habitans de l’antique océan.

Mais quelle quantité d’alimens et quelle nourriture