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histoire naturelle

ne nage encore qu’avec peine, elle le précède, lui ouvre la route au milieu des flots agités, ne souffre pas qu’il reste trop long-temps sous l’eau, l’instruit par son exemple, l’encourage, pour ainsi dire, par son attention, le soulage dans sa fatigue, le soutient lorsqu’il ne feroit plus que de vains efforts, le prend entre sa nageoire pectorale et son corps, l’embrasse avec tendresse, le serre avec précaution, le met quelquefois sur son dos, l’emporte avec elle, modère ses mouvemens pour ne pas laisser échapper son doux fardeau, pare les coups qui pourroient l’atteindre, attaque l’ennemi qui voudroit le lui ravir, et, lors même qu’elle trouveroit aisément son salut dans la fuite, combat avec acharnement, brave les douleurs les plus vives, renverse et anéantit ce qui s’oppose à sa force, ou répand tout son sang et meurt plutôt que d’abandonner l’être qu’elle chérit plus que sa vie.

Affection mutuelle et touchante du mâle, de la femelle, et de l’individu qui leur doit le jour, première source du bonheur pour tout être sensible, la surface entière du globe ne peut donc vous offrir un asyle[1] ! Ces immenses mers, ces vastes solitudes, ces déserts reculés des pôles, ne peuvent donc vous donner une retraite inviolable ! En vain vous vous êtes confiée à la grandeur

  1. Voyez particulièrement une lettre de M. de la Courtaudière, adressée de Saint-Jean de-Luz à Duhamel, et publiée par ce dernier dans son Traité des pêches.