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à l’occasion lui témoigner à plein cœur ce double sentiment[1]. Il était reconnaissant à Fronton du soin qu’il prenait de sa formation littéraire. Et le rhéteur débordait de joie à se sentir aimé, apprécié de la sorte[2]. Il n’est pas invraisemblable que, dans leurs intimes entretiens, la question chrétienne ait été quelquefois abordée, et qu’un préjugé se soit formé chez Marc-Aurèle.

N’exagérons pas, en l’espèce, la responsabilité de Fronton. Il n’est point sûr que Marc-Aurèle ait eu autant de déférence pour sa pensée que pour sa technique. Et l’empereur avait lui-même ses raisons personnelles, d’ordre philosophique, pour tenir en suspicion et mépris la foi des chrétiens.

VII

Le médecin Galien a dit, lui aussi, quelques mots de la secte chrétienne. Son témoignage est à recueillir pour deux raisons. D’abord parce que c’était une des intelligences les plus fermes de cette époque, où la sophistique affadissait tant d’esprits ; bien dirigé par son père, il avait acquis une forte culture qui élargissait ses horizons de technicien. Ensuite parce que, se piquant d’exactitude et d’observation réfléchie, il avait certainement étudié les chrétiens de son temps pour n’en point parler uniquement d’après des on-dit. Au surplus, cette étude ne l’a pas

  1. Voy. Ép. IV, 2 (Naber, p. 61) « …Nam cum te ut amicum vehementissime diligam, tum meminisse oportet quantum amorem amico, tantum reverentiae magistro praestare debere ». Et plus encore Ép. I, 7 « …O me hominem beatum huic magistro traditum !… Igitur vale, decus eloquentiae romanae, amicorum gloria,… homo iucundissime, consul amplissime, magister dulcissime ! »
  2. Voy. Ép. I, 7 (Naber, p. 18).