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païen de large culture, Celse, comprend enfin qu’en dépit des tumultes populaires, des rigueurs de police, et des persécutions d’État, la doctrine nouvelle fait des progrès terrifiants, auxquels une discussion approfondie de ses titres peut seule couper court.

Ce revirement, sensible dès les environs de l’année 160, s’explique par des raisons fort simples.

Le christianisme manifeste au second siècle, dans les diverses parties de l’Empire, une vitalité extraordinaire. Son activité missionnaire s’exerce en tous les domaines, aussi bien dans le recrutement à petit bruit dont Celse raillera avec dépit les fécondes méthodes[1], que dans l’ordre intellectuel. Il se heurte à des obstacles redoutables. Les fidèles sont au ban de l’opinion. L’hostilité officielle rencontre un écho certain dans le gros des populations. De dire pourquoi, la chose est malaisée. Il faudrait pouvoir dépister la tactique des meneurs, par exemple l’action souterraine des Juifs qui, à en croire les doléances chrétiennes, surexcitaient habilement les fanatismes. L’ardente solidarité des fidèles, cette coalition spirituelle resserrée par un idéal où toutes les « valeurs » communément admises se trouvaient renversées, ce séparatisme dans les mœurs et les goûts, toutes ces nouveautés autorisaient mille rumeurs scandaleuses dont se régalait la canaille des grandes cités.

Malgré tout, la foi au Christ s’étendait de proche en proche. Elle gagnait non pas seulement des prosélytes de petite extraction, mais des esprits formés aux meilleures disciplines de ce temps. Était-il possible d’éclaircir, de

  1. Voy. p. 125.