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J’écarte tout de suite les deux extraits que donne Schenkl du Code Théodosien : vérification faite, ils n’ont as la portée qu’il leur suppose[1]. — Sa thèse ne résiste pas à un examen attentif du poème de Rutilius. L’atmosphère qu’on y respire est païenne indiscutablement[2].

Quant à ses attaques contre les moines, elles paraissent fort différentes, par le ton, de celles qui partaient des milieux catholiques. Les catholiques, qui s’inquiétaient du développement et des conquêtes du monachisme, essayaient parfois d’en ébranler le principe même, en y opposant des propositions, des thèses : telle avait été la tactique de Jovinien, celle de Vigilance, qui contestaient formellement la valeur de l’ascétisme en soi. Ou bien, l’opinion des non-théologiens protestait sur le mode pathétique contre les désertions qui privaient l’Empire de défenseurs utiles ; qui, en un temps où les honneurs publics constituaient une si lourde charge, en laissaient tout le poids peser sur d’autres épaules ; c’étaient aussi les plaintes des pères de famille frustrés de leurs enfants (saint Jean Chrysostome les redit en termes émouvants) ; l’irritation des citadins, froissés de voir leurs villes considérées comme lieux de perdition et foyers d’injustice, etc.[3].

  1. Dans Code Théod., XII, i, 63 (loi de Valentinien et Valens, a. 365), il s’agit des curiales qui essayent de se dérober à leurs charges en se réfugiant chez les moines (voy. le commentaire de Godefroy, IV, 433) ; dans Code Théod., IX, xl, 16 (loi d’Arcadius et d’Honorius, a. 398), il s’agit d’interventions indiscrètes de clercs et de moines, qui prétendent soustraire per vim atque usurpationem certains condamnés aux peines qu’ils ont méritées, au lieu d’avoir recours à une provocatio légale (cf. Godefroy, III, 337).
  2. Voy. par ex. I, 67-68 ; I, 236 ; et ses invectives contre la race juive, I, 388 et s. (l’expression radix stultitiae enveloppe certainement une intention assez brutalement hostile à l’endroit de la religion chrétienne, greffée sur la juive).
  3. Ces griefs nous sont connus par saint Ambroise, Ép. lviii, 2-3 ; voy. aussi saint Augustin, Ép. xxxi, 5 ; saint Jérôme, Ép. cxviii, 5 ; saint Jean Chrysostome, Apol. de la Vie monastique.