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Sans doute la police romaine, en cette première rencontre, n’avait-elle pas essayé de faire le départ entre Juifs authentiques et Juifs déjà convertis, et avait-elle dû supposer que le Chrestus, dont elle entendait répéter si souvent le nom, était quelque agitateur de même nationalité. Suétone transcrit l’indication, sans se mettre en peine d’en vérifier lui-même le sens exact, n’en ayant ni la curiosité ni les moyens. On doit maintenir contre les doutes de certains[1], que le nom de ce Chrestus, c’est bien celui du Christ, tel que l’articulait la foule[2]. Chrestus était à Rome un nom propre assez courant, c’est entendu[3] : mais qu’il y ait eu simple coïncidence, on peut raisonnablement se refuser à l’admettre[4].

Dans sa notice sur Néron, Suétone est amené à mentionner en quelques mots, parmi les réglementations dont cet empereur avait pris l’initiative, les peines rigoureuses infligées aux chrétiens[5].

On imposa des bornes au luxe ; on réduisit les festins publics à des distributions de vivres ; il fut défendu de vendre dans les cabarets aucune denrée cuite, en dehors des liqueurs et des herbes potagères, alors qu’on y servait auparavant toutes sortes de plats ; on livra aux supplices les chrétiens, sorte de gens adonnés à une superstition nouvelle et malfaisante[6] ; on interdit les ébats des conducteurs de quadriges, etc.[7].

  1. Par ex., Linck, dans les Religion. Versuche und Vorarb., XVI, 1, p. 104, qui use presque exclusivement de l’argumentum e silentio.
  2. Sur cette prononciation, cf. P. de Labriolle, Christianus, dans le Bulletin du Cange, tome V.
  3. Il apparaît quelquefois dans les textes et souvent dans les inscriptions : voir l’article Chrestus, dans le Thesaurus Ling. lat. Suppl. Nomina propria latina.
  4. La démonstration de Th. Keim, Rom und das Christentum, Berlin, 1881, p. 171 et s. garde toute sa force. Voy. aussi Janne, dans Mél. Bidez, 1934, 531 et s.
  5. § XVI.
  6. Afflicti suppliciis Christiani, genus hominum superstitionis novae ac maleficae.
  7. Trad. Ailloud, légèrement retouchée.