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des lois qu’il avait inspirées[1], de ses dieux mêmes[2].

Il en est qui sortent des villes, écrivait-il dans une lettre au grand-prêtre Théodore, pour rechercher les déserts, bien que, de sa nature, l’homme soit un animal sociable et civilisé. Mais les démons pervers auxquels ils sont livrés les poussent à cette misanthropie. Déjà, en grand nombre, ils ont imaginé de se charger de chaînes et de carcans : tant les obsède de toute part l’esprit malin auquel ils se sont volontairement donnés en désertant le culte des dieux éternels et sauveurs[3].

Il laissait éclater son dégoût pour le culte des martyrs[4] ; il voyait dans l’héroïsme dont les confesseurs de la foi faisaient preuve une influence des « démons pervers ». « Ce sont eux, écrivait-il, qui jettent la plupart de ces athées dans un accès de délire qui leur fait souhaiter de mourir, en leur donnant l’idée qu’ils s’envoleront dans le ciel après s’être arraché violemment la vie[5]. »

Mais ce qui le choquait le plus, c’était la manie chrétienne « de tout remplir de tombeaux et de sépulcres[6] », et de fréquenter assidûment les chapelles sous lesquelles des martyrs étaient ensevelis. Cette piété avait pour Julien quelque chose de malsain : elle heurtait en lui le goût de purification, la crainte de toute souillure, qu’il tenait des théurges, ses maîtres[7], et qui se rattachaient d’ailleurs à des préjugés religieux fort anciens parmi les Romains[8]. Il était persuadé que le voisinage des cadavres détournait les dieux d’exercer ici-bas leur action bienfaisante. Il

  1. P. 189, 4 ; 98, 15.
  2. P. 197, 6.
  3. Ép. 89b (Bidez, p. 105).
  4. Neumann, p. 237, l. 15.
  5. Ép. 89b (Bidez, p. 155).
  6. Neumann, p. 225, 11.
  7. Voir sur ces scrupules, si vivaces dans l’âme de Julien, les intéressantes observations de Bidez, Lettres, p. 129 et s.
  8. Cf. Bouché-Leclercq, Manuel des Instit. rom., p. 470.