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posé à sa protection : elles varient, par suite, de peuple à peuple, mais elles ne changent pas, elles ne doivent pas changer chez tel peuple déterminé, puisqu’elles portent l’empreinte du caractère du dieu qui veille à ses destinées. Innover dans l’ordre religieux n’est rien de moins qu’un sacrilège. Et les Galiléens s’en rendent audacieusement coupables, par leur insolente manie de mépriser les traditions héritées des ancêtres. Au moins les Juifs ont-ils gardé leur religion nationale. S’ils avaient compris que leur dieu n’était qu’un dieu ethnarque, au lieu de l’ériger en dieu universel, leur position serait inexpugnable. Elle reste autrement honorable que celle des chrétiens, déserteurs des lois paternelles (τὰ πάτρια ἔθη), et des formes où la civilisation nationale s’est constamment réalisée. Car Julien n’imagine pas que cette civilisation ait évolué au cours des temps : dans la Grèce fictive qu’il se représente, tout fut toujours un, la pensée philosophique, les doctrines religieuses, et jusqu’aux modes concrets de la vie collective. Malheur à ceux qui prétendent ébranler cette unité séculaire[1] !

Il remarque donc qu’en un certain sens les chrétiens auraient eu bénéfice à se rallier simplement aux croyances juives, qu’ils affectent de considérer comme en partie périmées. Au moins adoreraient-ils un Dieu unique, et non pas un homme (le Christ), ou, pour mieux dire, plusieurs hommes (c’est sans doute aux martyrs qu’il songe) qui furent de pauvres sires[2]. Ils seraient, au point de : vue religieux, plus saints et plus purs.

  1. On relève chez Celse un passage d’inspiration tout à fait analogue. Voir Contra Celsum, V, 25. Origène proteste contre ce « nationalisme », qui légitime tout usage, même coupable au regard de la morale. Voir p. 134.
  2. Δυστυχεῖς (p. 198, l. 13).