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teurs et qui, dans son passé personnel, restait associé pour lui aux plus pénibles, aux plus déprimants souvenirs de sa jeunesse.

Plusieurs de ses contemporains affirment qu’aigri jusqu’à l’exaspération, il s’était promis — s’il revenait vainqueur de l’expédition d’Orient où il trouva la mort — d’extirper par tous les moyens une secte sù dommageable à la santé morale de l’Empire.

En attendant que les circonstances lui permissent une action encore plus énergique, il voulut livrer à ses sujets toute sa pensée sur le compte des chrétiens. Il n’était pas seulement un homme d’État, un chef d’armée dont les succès avaient révélé les rares qualités d’énergie et de décision, il était aussi un « sophiste » passionné pour les livres, nourri d’Homère, d’Hérodote, de Thucydide, de Xénophon, de Platon, de Démosthène et de Dion Chrysostome ; il adorait les gens de lettres et se piquait de bien écrire ; confiant dans sa mémoire un peu pédante et toute chargée de citations classiques, il aimait à morigéner longuement son prochain, à développer ses idées sans se presser et sans craindre les redites[1].

Il était donc naturel qu’il songeât à aider et à justifier les rigueurs de sa politique par une polémique littéraire où il pouvait se flatter de dominer sans peine des adversaires dont il faisait, intellectuellement, peu de cas. C’est une satisfaction assez vive, sinon très généreuse, pour celui qui détient le pouvoir et en fait durement sentir le poids à des

  1. Les faiblesses de composition s’expliquent, chez lui, par un penchant assez fâcheux à l’improvisation. Le Discours sur le Roi Hélios fut écrit en trois nuits (Hertlein, p. 157, 5) ; le Discours sur la Mère des Dieux en moins d’une nuit (p. 178 D) ; le Discours contre les chiens ignorants, en deux jours (p. 203 C).