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Voici, d’après Eunape[1], le récit par lequel Eusèbe piqua au vif la curiosité de Julien, en essayant de le détourner de Maxime, dont certaines méthodes lui paraissaient suspectes[2] :

Je fus convoqué, il y a quelque temps, avec plusieurs amis par Maxime dans un temple d’Hécate : il se trouva ainsi rassembler de nombreux témoins contre lui-même.

Quand nous eûmes salué la déesse, Maxime s’écria : « Asseyez-vous, mes amis. Regardez bien ce qui va se produire, et voyez si je suis supérieur aux autres hommes ! »

Nous nous assîmes tous. Alors Maxime brûla un grain d’encens, se chanta à lui-même je ne sais quel hymne et poussa si loin son exhibition que, soudain, l’image d’Hécate sembla sourire, puis rit tout haut.

Comme nous paraissions émus, Maxime nous dit : « Qu’aucun de vous ne se trouble. Dans un instant, les torches que la déesse tient dans ses mains vont s’allumer. » Il n’avait pas fini de parler que déjà le feu brillait au bout des torches.

Nous nous retirâmes, frappés momentanément de stupeur devant ce théâtral faiseur de merveilles ; et nous nous demandions si nous avions vu pour de bon ces belles choses.

Mais (ajoutait Eusèbe) ne vous étonnez d’avance d’aucun fait de ce genre, pas plus que je ne m’en étonne moi-même ; et croyez qu’il n’y a d’important que la purification qui procède de la raison.

Alors le divin Julien se leva : « Adieu, cria-t-il. Plongez-vous dans vos livres. Vous venez de me révéler l’homme que je cherchais[3]. »

V

Une telle page évoque aussitôt un fâcheux souvenir : ne croirait-on pas lire un des épisodes burlesquement mystiques que Lucien, l’impitoyable railleur, avait prêtés à

  1. Vitae Sophistarum, Maximus (éd. Boissonade, Didot, p. 474).
  2. Ibid., p. 474, l. 45 et s.
  3. Eunape, Vies des Sophistes, Maximus (Didot, p. 475, ligne 11 et s.).