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tianisme. C’est ce qu’affirme le poète Prudence, lequel écrit au début du ve siècle. Il fait allusion à ceux qui refusent encore d’ouvrir leurs yeux à la lumière.

Bien que, illustres par leurs mérites, nobles par leur sang, comblés de titres et d’honneurs, ils aient remporté les difficiles récompenses qu’on accorde à la valeur ; bien que, maîtres de la citadelle des Fastes, ils aient inscrit leurs noms dans les Annales ; bien que leur image de cire ou de bronze ait sa place parmi celles des ancêtres ; cependant leur groupe s’amenuise déjà, et ce n’est pas dans une poignée d’hommes que s’incarnent la patrie ni le Sénat. Leur zèle a beau être ardent, il ne représente que la volonté privée d’un petit nombre. Les vœux de la masse réclament ; ces vœux se séparent en foule de leurs vœux, à eux, et condamnent leurs protestations intimidées[1].

Et ailleurs[2] :

Je pourrais citer un nombre infini de familles nobles qui se sont tournées vers le sceau du Christ [le baptême], et se sont dégagées de l’abîme d’un honteux paganisme… Jetez les yeux sur cet habitacle illustre [le Sénat], c’est à peine si vous trouverez quelques esprits encore empêtrés dans les sottises païennes et qui se maintiennent non sans peine dans ces ténèbres périmées.

Malgré ces défections, la position de la noblesse païenne restait très forte. L’État chrétien — au moins jusqu’en 408[3] — observait un réel libéralisme à l’égard des personnes. Il arrivait, certaines années, que presque tous les leviers de commande fussent aux mains de hauts fonctionnaires païens[4].

D’autre part, quantité de philosophes, de sophistes, de

  1. Contra Symmachum, I, 592 et s. (Bergman, Corpus Script. Eccl. lat., t. 61, p. 241).
  2. Ibid., 566 et s.Comp. 544 et s., 574 et s. Témoignage analogue dans saint Jérôme, Ép., 66, 4 (éd. Hilberg, p. 651, l. 15 et s.).
  3. Lois d’Honorius (Code Théod., XVI, 5, 42, 14 nov. 108). Cf. Maurice, Bull. de la Soc. des Antiq. de France, 1929, p. 145.
  4. Par ex. en 384.