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anciennes traditions ? Mais supprimer les écrits, vouloir faire disparaître des textes déjà livrés au public, ce n’est pas là défendre les dieux, c’est redouter le témoignage de la vérité[1] !

Certes, il ne faudrait pas se représenter sur le modèle de ces intransigeants toute la société païenne de ce temps. Au début de son ouvrage dirigé contre le manichéisme, Alexandre de Lycopolis (en Thébaïde), que Photius traite d’évêque, mais qui n’était selon toutes les vraisemblances qu’un philosophe néo-platonicien[2], oppose aux subtilités de la secte qu’il va combattre la « simplicité » de la philosophie des chrétiens. « Son principal objet, écrivit-il, est de régler les mœurs des hommes, après leur avoir inculqué la doctrine d’un Dieu, seule cause efficiente de l’univers. Elle défend les questions obscures, les arguments pointilleux sur la raison des choses, etc. »

Une telle bienveillance n’était pas courante, cela va de soi. Lactance, qui connaît bien ses contemporains, les divise en plusieurs catégories[3] : « les ignorants, les sots qui tiennent la fausse religion pour la véritable, parce qu’ils ne savent rien de celle-ci et ne comprennent rien à celle-là » ; puis encore « les gens cultivés qui ignorent, eux aussi, la vraie religion, — ou qui persévèrent dans celle dont ils savent la fausseté pour ne pas se donner l’air d’avoir les mains vides (ut aliquid tenere videantur) — ou qui ne pratiquent absolument aucun culte, par peur de se tromper, comme si la pire erreur n’était pas de vivre comme les bêtes,

  1. Adv. Nationes, III, 6 (Reifferscheid, Corp. Script. Eccl. lat., t. IV, p. 115, l. 21 et s.).
  2. C’est l’avis de Tillemont ; c’est aussi l’avis du dernier éditeur d’Alexandre, A. Brinkmann (Leipzig, 1895) ; l’opuscule a été recueilli dans la Patrol. grecque, t. 18, col. 411-448.
  3. Div. Inst., II, iii, 22 (Brandt, I, 107).