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boration du sacerdoce, en passe d’être dépossédé de son influence.

Les lecteurs que n’effraie point la prodigieuse verbosité de l’ancien rhéteur Arnobe, lequel s’improvisa apologiste sur le tard, y découvrent au livre III de son Adversus Nationes une curieuse page sur la mentalité de certains païens. Las des sarcasmes des chrétiens contre la mythologie, ils en étaient venus à souhaiter la disparition, par autorité de justice, de certaines œuvres de Cicéron, comme le De Natura Deorum, le De Divinatione, où la polémique chrétienne trouvait de quoi s’approvisionner.

Arnobe feint de se déclarer tout prêt à honorer les dieux, pour lesquels les païens requièrent son respect, mais à condition que ceux-ci consentent à l’éclairer sur la vraie nature de Janus, de Junon, de Vénus, etc.

Peut-être auriez-vous pu nous provoquer à adorer ces divinités, si vous-mêmes — oui, vous, les premiers — vous ne vous formiez à leur propos des idées si honteuses qu’elles souillent leur honneur et les frustrent des attributs qu’on leur prête. Il nous est impossible de croire que leur nature — cette nature immortelle et suréminente — soit divisée en sexes ; qu’il y ait parmi eux les mâles d’un côté, les femelles de l’autre. C’est là une objection que, dans les lettres latines aussi bien que dans les lettres grecques, des hommes de cœur ont, il y a beau temps déjà, parfaitement exposée : au premier plan, Tullius (Cicéron), le plus éloquent des Romains, sans crainte de s’attirer le reproche d’impiété, a montré avec une probe et entière franchise, avec une loyauté supérieure, ce qu’il pensait de cette conception… Mais à quoi bon lui emprunter ici les séductions de sa parole, la splendeur de son style ? Ne sais-je pas qu’il y en a (parmi vous) un bon nombre qui se détournent des livres qu’il a écrits sur ces questions, qui les fuient, et refusent toute audience à une lecture qui bat en brèche leurs préjugés ? N’y en a-t-il pas d’autres dont je perçois les murmures indignés, et qui déclarent que le Sénat devrait porter un décret d’anéantissement contre ces ouvrages, où la religion chrétienne trouve confirmation et qui annulent l’autorité des