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législateurs et les polémistes, — et que « trois quarts de siècle devront passer encore avant qu’un empereur se donne pour le défenseur de la philosophie, en invitant ceux qui la professent à venir le conseiller dans ses entreprises[1] ».

Lactance nous est témoin qu’à l’époque même ou s’allumait la persécution, deux ouvrages parurent où le christianisme était vigoureusement attaqué[2]. Les renseignements qu’il fournit à ce propos sont si importants qu’il convient de les donner ici au complet. Il n’y manque que les noms des deux auteurs. Mais Lactance s’est attardé à décrire les traits peu engageants de leur physionomie morale, et il résume la substance de leurs pamphlets.

J’enseignais la rhétorique en Bithynie, où j’avais été appelé (raconte Lactance[3]), quand le Temple de Dieu (= l’église de Nicomédie) y fut détruit (par la persécution[4]).

Juste à ce moment se levèrent deux hommes qui osèrent insulter la vérité, gisante et humiliée, avec autant d’arrogance que peu d’à-propos.

Le premier se donnait comme le pontife de la philosophie. Mais c’était un vicieux, ce professeur de continence ; et il ne brûlait pas moins de cupidité que de luxure ! Dans son école, il louait la vertu, il vantait l’économie et la pauvreté ; mais il menait une vie à ce point somptueuse qu’il mangeait moins bien au palais que chez lui. Seulement ses longs cheveux, son pallium, et surtout son argent (pas de voile meilleur que celui-là !) lui servaient à masquer ses débordements. Afin d’accroître sa fortune, il employait d’étonnantes intrigues pour se couler dans l’amitié des juges, qu’il se conciliait grâce à l’autorité que lui valait son titre usurpé : alors, non seulement il vendait leurs sentences,

  1. Vie de Porphyre, p. 68.
  2. En connaissait-il d’autres encore ? Il écrit (Div. Inst., V, iv, 2) : « Je ne doute pas qu’en bien des endroits beaucoup d’autres n’aient dressé, soit en grec, soit même en latin, le monument de leur injustice. » Mais la donnée est trop vague pour qu’on puisse l’exploiter. — Le maître de Lactance, Arnobe, réfute ceux qui appellent le Christ « hominem natum et crucis supplicio interemptum » (« … patibulo adfixus interiit », i, 40) ; et un magicien formé aux sortilèges égyptiens (i, 43). Mais il ne s’agit, semble-t-il, que de griefs oraux.
  3. Div. Inst., V, 2 (Brandt, dans le Corp. Script. eccl. lat., XIX, 1, p. 403).
  4. Le 23 février 303.