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c’est « aux mythes » des Évangiles qu’il en veut. » Et Mgr Duchesne[1] : « Il ne s’en prend pas au Christ pour lequel il a, au contraire, beaucoup de considération, mais aux évangélistes… »

En dépit du suffrage concordant d’autorités si hautes, j’éprouve quelque peine à me ranger à ce point de vue.

Le seul texte où Porphyre formule une distinction expresse entre Jésus et ses historiens, c’est celui que nous offre le fragment no 58, qui vient d’être cité en partie[2], et où Porphyre commente la parole fameuse : « Il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, etc. » Il marque, comme on a vu, les conséquences étranges d’un tel principe : le riche exclu du ciel par sa richesse même, le pauvre introduit au ciel par sa pauvreté même, et il ajoute : « Voilà pourquoi ces paroles ne me semblent pas provenir du Christ, si toutefois il a enseigné la règle de vérité (εἴγε τὸν τῆς ἀληθείας παρεδίδου κανόνα) : ce sont propos de gueux, avides de dépouiller les riches de leur avoir, à l’aide de ces inepties. » — Qu’on prenne, si l’on y tient, cette réserve pour un hommage rendu à Jésus ! Je l’entends, pour ma part, en tenant compte de la tonalité du morceau, comme une ironie à l’adresse des fidèles du Christ et du Christ lui-même : bel enseignement que le sien, qui aboutit au désordre social et à des renoncements absurdes, dont Porphyre cite aussitôt un récent exemple[3]. Et c’est ce Jésus que vous nous présentez comme le maître de toute vérité[4] ?

  1. Hist. anc. de l’Église, I, 554.
  2. P. 278.
  3. Voy. plus loin, p. 284-285.
  4. Si le fragm. no 56 (= saint Jérôme, Comm. in Matth., XV, 17) vise Porphyre (qui n’est pas nommé), comme cela paraît fort probable, Porphyre