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a beaucoup contribué à former la légende d’après laquelle Sénèque devrait au christianisme le meilleur de sa pensée. Nul n’ignore la faveur que cette légende rencontra au moyen âge, et avec quelle imprudente naïveté certains critiques modernes ont cru devoir l’accueillir.

Le fait est que Sénèque — qui connaît fort bien les Juifs et n’a pour eux aucune amitié — ne souffle mot des chrétiens. S’il a subi l’influence de leurs doctrines, ce serait par des voies détournées, et sans qu’il s’en doutât lui-même.

IV

Avec Pline le Jeune, nous prenons pied sur un terrain solide.

On sait quel était Pline. Mommsen le tenait pour une personnalité chétive et sans relief — ce qui lui aurait permis de traverser l’époque de Domitien sans appeler sur lui l’attention redoutable du tyran. Ce jugement est à reviser. Que Pline ne soit ni un penseur de grande envergure, ni même un artiste véritablement créateur, nul n’en disconviendra. Mais comment méconnaître la variété de ses aptitudes ? Il est orateur, l’un des premiers de son temps ; il est homme du monde, et il est homme de lettres, partout réputé ; il est grand avocat, magistrat à l’occasion, administrateur chargé de fonctions particulièrement délicates. Et il supporte ces tâches multiples, non pas avec résignation et minimum d’efforts, mais avec sérieux, avec zèle, en payant de sa personne. Il garde d’un bout à l’autre de sa carrière une ardeur presque juvénile, un enthousiasme dont l’aliment constamment renouvelé est