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VII

Ce n’est le plus souvent que d’après des indices assez frêles que nous pouvons entrevoir les discussions qui se déroulaient entre chrétiens et non-chrétiens, dans la vie tout extérieure, toute publique des cités. On lit dans les Acta Petri, rédigés en Asie Mineure vers les débuts du iiie siècle[1], un débat véhément qui en donne quelque idée. La scène se passe à Rome. Saint Pierre fait devant ses frères une conférence à laquelle assistent des sénateurs, des préfets, des fonctionnaires, et dont l’entrée ne coûte pas moins d’une pièce d’or. Survient Simon (le magicien) que Pierre aperçoit et dont il démasque aussitôt les fourberies, en le sommant de refaire devant ceux qui écoutent les prétendus miracles dont il se prévaut. Et Simon lui répond[2] :

« Tu as l’audace de parler de Jésus de Nazareth, fils d’un artisan, artisan lui-même, dont la race habite la Judée[3] ? Écoute, Pierre, les Romains ont du sens ; ils ne sont pas des sots. » Et, se tournant vers le peuple, il dit : « Hommes romains, est-ce qu’un Dieu naît ? Est-ce qu’il est crucifié ? Qui a un maître n’est pas Dieu. » Comme il parlait ainsi, beaucoup disaient : « Tu parles bien, Simon. »

Cette allusion au Christ, « fils d’un artisan, artisan lui-même » n’était blessante que dans l’intention de celui qui la lançait. Saint Justin, par exemple, dans son Dialogue

  1. C’est la date proposée par Schmidt, die alten Petrusakten (Texte und Unters., XXIV, 1), Leipzig, 1903, et adoptée par Léon Vouaux, Les Actes de Pierre, Paris, 1922, p. 207.
  2. Vouaux, p. 367.
  3. Déjà Simon avait dit (au chap. xiv), en interpellant l’apôtre : « C’est moi, Simon ; descends donc, Pierre ; et je prouverai que tu as cru ou un simple Juif, ou un fils d’artisan. »