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grossir le nombre en supposant certains rapports plus contestables. Par exemple, l’esprit aristocratique, sensible chez Celse comme chez Origène, ne me paraît pas de même qualité chez l’un et l’autre. Celse méprise le christianisme parce que celui-ci vise la foule et non pas une élite ; qu’il grossit ses phalanges de quantité de petites gens qui s’en font les plus actifs propagandistes[1]. Ce qui le choque dans le Christ, c’est qu’il était le fils d’un charpentier, que sa mère était obligée de travailler pour vivre, qu’il s’entourait d’hommes du commun et qu’il paracheva son existence médiocre par une mort douloureuse, humiliée, misérable. Il ne trouve en lui rien de prestigieux, rien qui rappelle, même de loin, l’idéal divin ou héroïque. — L’aristocratisme d’Origène est d’une tout autre nature. Il n’est nullement d’ordre « social », mais d’ordre intellectuel. Origène constate comme un fait que la plupart des hommes ne sont pas aptes à la pensée philosophique, soit que les nécessités de la vie les accaparent, soit que l’infirmité de leur intelligence les paralyse[2]. Les chrétiens du modèle courant ne se soucient ni de science, ni de spéculation, ni d’exégèse[3]. Certains seraient même disposés à déclamer contre la culture, contre les lumières et à concéder à l’ignorance, par une fausse interprétation de la doctrine du Christ, une sorte de privilège[4]. À l’égard de ces « simples », toute attitude arrogante ou simplement dédaigneuse serait parfaitement inconvenante. Ils se contentent de la foi et ils ont raison de s’en contenter[5]. Cette foi des ἰδιῶται, Dieu l’accueille avec la même bonté que la

  1. Voir plus haut, p. 123.
  2. I, 9 ; cf. IV, 9.
  3. III, 58 ; VI, 7.
  4. III, 44.
  5. I, 10-11 ; cf. VI, 10.