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publics[1] on ne consacre pas dans l’enseignement, comme dans l’organisation politique, la séparation de la justice et de l’administration, on n’arrivera à aucun résultat. On fera des jurisconsultes qui sauront un peu plus de droit administratif, mais on ne fera pas des administrateurs ; car, pour donner une éducation complète aux jeunes gens qui se destinent à nos services publics, il faut et un temps aussi considérable, et de tout autres études que pour faire un licencié. L’économie politique, la statistique, l’histoire politique, la technologie, l’agricutture, la législation des douanes et des finances, sont des sciences qui ne s’apprennent pas avec un professeur de Code civil, quoi qu’en dise la Faculté, qui a établi sur ce point la plus singulière des théories[2].

En finissant qu’il nous soit permis de rendre justice à M. de Salvandy, dans une question où notre témoignage sera d’autant

  1. Revue des deux mondes, 15 septembre 1845.
  2. « La science du droit est une, quoiqu’elle se divise en plusieurs branches, car toutes ses parties se tiennent et reposent sur une base commune, la distinction du juste et de l’injuste. » (Ceci est plus qu’évident ; mais il faudrait prouver que l’administration c’est le droit, et sa science la jurisprudence.) L’étude du droit civil ou privé, contenant la constitution de la famille, l’organisation de la propriété et la théorie des obligations, est une introductionnécessaire au droit public (Il serait plus exact de dire au droit des gens) qui ne fait qu’appliquer les mêmes principes pour régler les rapports des nations entre elles. » (Bacon disait, au contraire : At jus privatum latet sub tutela juris publici, et il nous semble plus quu douteux que le droit des gens règle les rapports des nations entre elles par les principes qui régissent la constitution de la famille ou l’organisation de la propriété.) « Comment dès lors approprier à la carrière politique ou admtnistrative un enseignement complet qui ne comprendrait pas l’étude du droit civil ? » La Faculté est tout à fait à côté de la question. Personne n’a prétendu exclure le droit civil des études exigées pour les futurs administrateurs mais est-ce trois ans de Code civil et un an de droit administratif qui conviennent à ces jeunes gens, ou n’est-ce pas plutôt un an de Code civil et trois ans de droit administratif ? Vaut-il mieux qu’ils apprennent les Pandectes ou l’économie politique ? Et six mois d’histoire du droit romain ne leur suffiraient-ils pas ? Là est tout le problème. Ce qui est le principal dans l’École de droit devient secondaire dans l’École d’administration, et réciproquement, Il faut donc un enseignement distinct, puisque les objets communs même ne doivent point s’enseigner de la même façon.