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rait l’enseignement dans la routine, et exclurait absolument le progrès[1].

Il y a quelque vingt ans, une opposition aveugle aux demandes d’un ministre bien intentionné, qui consulte toutes les opinions avant de prendre un parti, une telle opposition, dis-je, eut

passé pour un acte héroïque, et mérité tous les suffrages de la presse mais aujourd’hui, grâce aux progrès de l’esprit public, nous n’en sommes plus là, Il ne suffit plus de faire de l’opposition, il faut encore avoir raison, même contre un ministre. C’est une nécessité à laquelle les corporations, quelque haut placées qu’elles soient, n’échappent pas plus que les individus. Or, nous le disons avec regret, la Faculté de Paris en se refusant à toute amélioration, en déclarant impossible toute modification du système régnant, s’est placée sur un mauvais terrain et a compromis la cause même qu’elle voulait soutenir. À qui persuadera-t-on qu’un enseignement borné aux Institutes, au droit civil et commercial et au droit administratif, soit complet, même comme enseignement pratique ? Et d’ailleurs, le droit n’a-t-il donc ni passé, ni avenir, ni histoire, ni philosophie ? Et pour cette histoire et cette philosophie, la base même de la science, il n’y a point de place dans une Faculté ? Nous sommes condamnés à garder toujours en France un haut enseignement dans lequel il ne sera jamais question des doctrines auxquelles Grotius, Kant, Montesquieu, Jouffroy ou Savigny ont attaché leur nom ? Les Académies, les savants, les magistrats les plus considérés pousseront de tout côté à l’étude de notre ancienne jurisprudence ; mais à Paris il y aura une enceinte dans laquelle on ne prononcera jamais, devant de futurs licenciés, le nom des Beaumanoir, des De Fontaines, des Pithou, des Coquille, et cette enceinte sera la Faculté de Droit ! Que voulez-vous, dira-t-on, l’enseignement est déjà encombré ! Si les délibérations n’étaient imprimées, qui ne m’accuserait d’inventer, si je disais qu’à Paris, dans le premier éta-

  1. Rapport, p. 52