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dirai seulement qu’en Allemagne on est unanime pour repousser le concours comme une mauvaise institution, et que les professeurs sont ordinairement choisis sur la présentation de la Faculté. Le choix, qui porte en général[1] sur des hommes déjà éprouvés comme agrégés (ausserordentliche Professoren) ou professeurs libres (Privat docenten), offre à l’Etat non moins qu’à la science des garanties suffisantes, en même temps que la rivalité des diverses Universités empêche le népotisme ou la faveur de prendre pied dans la Faculté. Le ministre d’ailleurs n’est pas obligé de suivre l’ordre de présentation, et l’opinion publique, souvent trop rigide en France, lui laisse en ce point une assez grande indépendance. Dans le choix du professeur le droit de l’Etat est entier.

Mais une fois la nomination faite c’est-à-dire une fois que le gouvernement, après s’être assuré du mérite et des principes du candidat, en a fait un membre de l’Université, le professeur ne dépend plus que de lui-même : il peut enseigner ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut. Il est titulaire d’une chaire ; mais ce titre, qui l’oblige, en certains cas, à donner l’enseignement qu’on lui a plus spécialement attribué n’empêche ni le droit qu’ont tous ses confrères de donner des leçons sur le même sujet, ni le droit qui lui appartient d’enseigner telle partie de la science qu’il lui plaira de choisir. L’Etat, si je puis me servir de cette expression, adjuge en bloc à la Faculté la totalité de l’enseignement ; la répartition des leçons est une affaire d’intérieur. En d’autres termes, le gouvernement ordonne qu’un certain nombre de cours, qu’il juge nécessaires pour obtenir une connaissance solide du droit, seront donnés dans les trois années que l’élève passe à l’Université, de façon que chaque étudiant puisse recevoir une éducation complète et se présenter au concours avec des chances égales à celles de ses concurrents.

  1. Je dis en général car il n’est pas rare de voir appeler au professorat un magistrat ou un écrivain et si le candidat n’est pas docteur, la Faculté a le droit de lui décerner un diplôme honoris causa, quitoi confère le titre et les privilèges du doctorat.Voy. Koch, t. I. p. 89.