Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

système qui détruit à ce point la liberté d’esprit du professeur. Rien ne nous semblerait plus ridicule qu’une loi qui ordonne, par exemple, d’enseigner le Code civil en trois ans et dans l’ordre suivi par le Code. Pourquoi en trois ans, à trois heures par semaine, plutôt qu’en dix-huit mois, à quatre heures et demie ; plutôt qu’en un an, en neuf heures ? (C’est ainsi, par exemple, que s’enseigne le Code autrichien, aussi long que le nôtre ; il occupe toute la seconde année d’études a dix heures de leçon par semaine). Est-ce qu’il y a dans cette division en trois années quelque vertu particulière ? Et, tout au contraire, n’est-il pas mauvais de tenir l’attention de l’étudiant aussi longtemps fatiguée sur un même objet ? C’est l’examen qui a fait introduire cet usage bizarre, et dont je ne connais point d’exemple en d’autres pays, et ce n’est pas encore ce qu’il a produit de plus singulier. Une conséquence nécessaire de cette mutilation du Code en trois membres égaux, c’est d’imposer au professeur la nécessité d’enseigner dans l’ordre même du Code. Cet ordre, je n’entends ni l’accuser ni le défendre ; il peut être d’ailleurs excellent pour une loi, mauvais pour un cours. Mais quoi de plus ridicule que de gêner ainsi la liberté du maitre ? Qu’importe à l’État qu’on commence par le droit d’obligation, ou le droit des personnes, pourvu qu’on les enseigne tous les deux ? Qu’a-t-il besoin de prendre parti pour la méthode exégétique plutôt que pour la méthode dogmatique, qui se partagent la science depuis qu’elle existe, et quel danger politique y a-t-il à ce qu’on enseigne, trois ans plus tôt ou trois ans plus tard, qu’en fait de meubles, possession vaut titre ? Au point de vue scientifique, une telle gêne peut-elle se défendre ? Néanmoins on a vu, il y a quelques années, la première Faculté du royaume en feu pour une aussi grave question : il y a eu délibération, discussion, partage de voix, et la liberté menaçait, dit-on, de l’emporter, grâce à la voix prépondérante du doyen. quand le ministre lui-même est intervenu pour faire tout rentrer dans l’ordre accoutumé. L’intérêt de l’examen exigeait cette mesure, et le ministre avait peut-être raison en ce point ; mais