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Qu’on ne croie pas du reste que ce soit d’aujourd’hui qu’on s’aperçoive des inconvénients d’un pareil système ; on s’en plaignait dès avant la révolution, et voici ce que disait à ce sujet, en 1791, devant la Constituante, un homme qu’on n’accusera pas d’être un esprit exagéré, et qui assurément était désintéressé dans la question, c’est M. de Talleyrand[1] :

« Jusqu’à ce jour on a exige que les élèves parcourussent tous les degrés et tous les temps de l’instruction ; la loi était inflexible à cet égard autant que minutieuse, Le temps des inscriptions, le passage d’une classe à l’autre, l’époque où chaque formalité devait s’accomplir, l’apparence même de l’assiduité étaient prescrites avec une importance qui n’admettait pas d’exceptions. ainsi l’on exigeait tout, hors la science, car on peut feindre l’assiduité, éluder les précautions, remplir extérieurement de vaines formes, mais la science seule ne se contrefait pas, et c’est elle seule qu’on a droit de demander aux élèves.

« Une mesure uniforme de temps d’études est injuste à imposer, quand la nature a départi aux hommes une mesure inégale d’attention et de mémoire.

« Offrez les secours de la méthode et les avantages de l’assiduité aux esprits dont ce double bienfait rendra la marche plus directe et plus sûre.

« Mais ne les commandez pas aux esprits dont l’ardeur n’y verrait qu’un assujettissement pénible et le souffrirait avec im— patience. Craignez que le dégoût d’une route uniforme et lente ne produise chez eux celui de la science elle-même.

« Offrez à tous un fil conducteur ; ne donnez de chaînes à personne, et n’admettez que ceux qui parviendront au but, c’est-à-dire qui seront véritablement instruits. Ne leur demandez pas quel temps ils ont mis à se former, mais s’ils ont acquis beaucoup de connaissances ne les interrogez pas sur leur âge, mais sur

  1. Rapport sur l’instruction publique, fait le 28 septembre 1791, au nom de Comité de constitution des États-Genéraux, par de Talleyrand-Périgord, dans le Recueil de Salvandy, p. 402