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et rien au jugement, on a dépassé le but qu’on voulait atteindre. Un moyen de contrôle doit toujours rester au second plan et ne pas usurper la place de la science car, ce qui importeavant tout, c’est évidemment que l’étudiant soit instruit, et non pas qu’il soit examiné.

En est-il ainsi dans notre système, et le contrôle des études est-il contenu dans de justes limites ? Je dis que non, et qu’avec le nombre légal et la mauvaise distribution des examens, il est déjà à peu près impossible d’étudier ce qu’on enseigne à Paris, quelque peu complet que soit cet enseignement. Si l’on veut admettre, en effet, qu’avant de se préparer à une épreuve aussi sérieuse, l’étudiant est obligé, pendant les deux mois qui la précèdent, de négliger les leçons ordinaires pour ne s’occuper que des, matières sur lesquelles il sera interrogé on trouvera que cinq épreuves (y compris la thèse), donnent dix mois de préparation ; en d’autres termes, que sur trois années il y en a une de perdue pour l’étude et consacrée par l’élève à revoir ce qu’on a dû lui apprendre, ce qu’on ne lui a pas toujours appris. Enlever) à l’étudiant un tiers, ou, si l’on trouve que j’exagère, un quart, même un cinquième de son temps utile, franchement c’est trop, et il semble que deux ou trois bons cours delégislation criminelle, d’histoire ou de philosophie du droit, remplaceraient avantageusement, pour lui, le temps qu’on lui fait perdre à de stériles épreuves ; au moins l’intéresseraient-il à la science, au lieu de l’en dégoûter, comme font ordinairementles examens. Ce n’est pas seulement par leur multiplicité que les examens entravent les études, c’est encore par leur mauvaise distribution.

On comprend une organisation dans laquelle chaque année se termine par une épreuve sur le sujet enseigné dans ce laps detemps, en supposant, toutefois, que chaque année comprenne un enseignement complet[1]. Mais ce qu’il est difficile d’admettre

  1. Qu’est-ce, par exemple, qu’un examen qui porte sur le premier tiers du Code civil ? Est-ce que par hasard le tiers du Code civil forme une science distincte, et qui peut s’apprendre par elle-même et indépendamment reste ? Est-ce qu’on connaît réellement le droit des personnes, quand on n’a pas entendu parler du droit d’obligation ou de succession ? Les connaissances de l’étudiant sont toutes provisoires, jusqu’àce que, parvenu à la fin du cours, il embrasse d’un seul coup d’œil l’ensemble de l’enseignement ; un jour nouveau éclaire alors toutes les parties, et fait disparaître ce qui jusque là était nécessairement resté dans l’obscurité. À ce moment on peut s’assurer que l’étudiant a compris le Code et qu’il le sait ; avant on ne peut constater qu’une seule chose, s’il a bonne mémoire.