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mes pour répéter aux étudiants que si l’État demande certaines connaissances de préférence à d’autres, c’est qu’il est forcé d’aller au plus pressé, et que la faiblesse humaine ne lui permet pas de tout exiger ; mais qu’il n’entend pas détourner les jeunes gens des études spéculatives, élément nécessaire de toute éducation complète, et qui doit se trouver dans les écoles de tout pays qui comprend et aime la science. Loin de proclamer l’encombrement d’un enseignement obligé, trois fois plus chargé que le nôtre, les Facultés avertissent sans cesse les étudiants de ne point sacrifier la science à l’intérêt, en se bornant à ce qu’on appelle dédaigneusement en Allemagne les Brotstudien ou étude gagne-pain, c’est-à-dire aux matières exigées par l’examen. Cette épreuve est partout considérée comme un mal inévitable, et le gouvernement est le premier à s’excuser de donner ainsi, quoique involontairement, une direction forcée aux études juridiques. Notez que ces gouvernements qui cherchent à se justifier, ont commencé par exiger des candidats les connaissances spéculatives et historiques les plus variées, la philosophie du droit, l’histoire du droit romain et du droit national, le droit canonique, qui tient si intimement à l’histoire des institutions modernes, etc., et que par conséquent les études auxquelles l’examen fait tort, sont en quelque façon des études de luxe ; et demandez-vous maintenant de quel côté du Rhin on comprend le mieux la dignité de la science et le caractère de l’enseignement ?

Il faut emprunter à l’Allemagne cet esprit libéral et le faire pénétrer dans nos Écoles. La science pour la science, telle doit être la devise des professeurs et des étudiants sans ce culte dés-

    tuelle est une condition essentielles de la postérité des Universités. Une éducation complète n’est pas possible là où l’État peut défendre l’étude de certaines parties de la science, ou interdire certaines manières de rechercher ou d’exposer la vérité. Restreindre l’éducation, c’est aller contre le but même de l’État, qui a été constitué pour garantir à l’homme le libre développement de toutes ses facultés. » Leo, Berliner Jahrbücher für wissenschaftliche Kritik, 1829. t. II. p. 506. Scheidler, Einige wichtige Fragen, dans le Jahrbuch der deutschen Universitaten. Hiver, 1882