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ment. On dirait que nous jugeons des Constitutions, non pas en politiques, mais en artistes : le plan, c’est pour nous l’édifice ; et il nous est impossible de croire que ces lignes si pompeusement tracées, ces articles si bien alignés, ce système si géométriquement disposé, soient nécessairement chimériques dans l’application. Un exemple pris à distance, le premier en date de ces essais, et en même temps le plus recommandable par le nom de son auteur, nous montrera peut-être le vice originel de ces prétentions. Au premier coup d’œil, la Constitution de la Caroline inventée par Locke paraîtra singulière et même ridicule, mais à l’examen on la trouvera tout aussi fortement conçue que les œuvres modernes, et on verra que si elle n’a point réussi, la faute en est, non pas à l’homme, mais au système. On échouera toujours quand, au lieu de faire des lois pour le peuple d’aujourd’hui, en étudiant ses besoins, en respectant ses idées, en ménageant même ses défauts, on imposera à la nation une utopie bonne pour un peuple imaginaire. La Caroline résista dès le premier jour à cette espèce de violence législative, et trop heureuse la France si, depuis un demi-siècle, elle avait eu la sagesse des premiers planteurs de la Caroline !


Le règne de Charles II ne fut pas moins célèbre par la faiblesse et l’indolence du roi que par l’avidité des courtisans. Mais parmi les objets qui pouvaient alors tenter l’avarice et l’ambition des gens de cour, il n’en était point de plus séduisant que les immenses domaines de l’Amérique, où l’on pouvait tout à la fois fonder des empires, et, au moyen de rentes seigneuriales, s’assurer dans l’avenir un énorme revenu. Aussi, dès les premiers jours de la Restauration, voyons-nous les concessions se multiplier. L’une des plus impor-