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tous les avantages sont pour le philosophe. Ami d’un homme d’État, mêlé aux affaires, esprit sage et observateur, il en sait bien plus qu’un quaker fanatique ; et, sans doute, l’organisation qu’il a conçue est autrement forte et symétrique que celle de Penn ; Locke a découvert que la société est un contrat, et que la fin principale de ce contrat est le maintien de la propriété ; il établit à l’instant même un gouvernement sur cette base. Penn, au contraire, tout souverain qu’il soit, n’a aucune confiance dans la supériorité de ses lumières. Ce qu’il veut, c’est la liberté et le bonheur de ses sujets, et il croit qu’en ce point nul n’est plus éclairé que la partie intéressée ; aussi tout son système politique se résume en ces simples paroles :

« Vous serez, dit-il à son peuple, vous serez gouverné par la loi que vous ferez vous-même ; — il ne faut pas que ma volonté, la volonté d’un homme puisse empêcher le bonheur d’un pays. — Dans la charte que je vous donne, gardez ce qui est bon, écartez ce qui est mauvais, ajoutez ce qui conviendra au bien général[1] »

Locke s’effraye d’une démocratie trop nombreuse, et, en théoricien qu’il est, réservant tout le pouvoir à la propriété, à la richesse, il commence par mettre hors la constitution la part la plus considérable de la nation, sans douter de son droit quand il établit un si formidable ilotisme. Penn, dans une ambition plus noble, veut ouvrir sa colonie au monde entier ; il n’entend rien aux privilèges, aux exclusions, à cette infériorité systématique d’une partie du peuple. Comme Locke, il a connu les excès de la guerre civile, il a vu la démocratie se perdre par ses propres excès ; mais il ne désespère point de la liberté, et par une conséquence naturelle

  1. J’emprunte à Bancroft ces paroles de Penn, I, II, chap. XVI, Passim