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votées par le Parlement cesseraient d’exister après deux ans, si, dans cet intervalle, elles n’avaient été ratifiées par le palatin, assiste d’un comité des propriétaires.

Enfin, et comme si ce n’était point assez de tant d’épreuves pour les lois nouvelles, chacun des quatre États avait droit d’interposer son veto dans le cas où il considérait la loi proposée comme inconstitutionnelle ; c’était le règne de l’immobilité.

À côté de cette singulière organisation de pouvoirs, que nous jugerons dans un instant, il y avait quelques dispositions particulières par lesquelles Locke donnait un corps à certaines idées vagues d’amélioration, qui, plus tard, ont été reproduites en d’autres pays, avec la même inefficacité ; et, si j’ose le dire, il satisfaisait en même temps certaines rancunes naturelles aux philosophes a l’endroit des juris-consultes, et que ceux-ci, à leur tour, leur gardent bien, surtout en fait de politique.

Ainsi l’Europe souffrait de la multiplicité des commentaires légaux, de l’encombrement de la jurisprudence, dont Justinien se plaignait aussi de son temps : le législateur de la Caroline défendait d’écrire un commentaire sur les constitutions, les lois ou les coutumes[1]. Vous vous rappelez le cri de Napoléon a la vue du premier commentaire écrit sur le Code : Mon Code est perdu ! C’était la même illusion que celle de Locke, le même rêve d’une loi immuable ; comme si l’homme n’était pas variable, comme si les rapports qui unissent les hommes entre eux ne se modifiaient pas sans cesse, et de façon insensible ; comme si la loi, comme si la jurisprudence, expression de ces rapports, ne devaient pas

  1. Dans le Gouvernement de Pologne, Rousseau exprime les mêmes idées.