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landgrave, deux à chacun des caciques. Le nombre de trois nobles pour chaque comte devait rester immuable ; pendant le siècle courant, il était permis de vendre ensemble les terres et les dignités qui y étaient attachées ; mais le siècle expiré, l’aliénation était interdite. À défaut d’héritiers, c’était aux propriétaires que revenait le droit de nommer aux domaines et aux titres vacants.

Quant aux vingt-quatre colonies de chaque comté, elles devaient être partagées entre francs tenanciers ; mais le propriétaire d’une portion du sol équivalant au moins à un quart de colonie, c’est-à-dire le propriétaire de trois mille acres, pouvait faire ériger son domaine en manoir, et, dès lors, il était à jamais indivisible. C’était un fief.

Au-dessous de cette hiérarchie féodale, il fallait ménager la place du peuple, sur qui devait porter le fardeau de la mise en culture de ces vastes domaines. Locke y avait pourvu, en établissant que les seigneuries, baronnies et manoirs, divisés pour l’exploitation en fermes de dix acres, seraient cultivés par une rare de tenanciers héréditaires (leetmen), attachés à la glèbe, et payant comme rente un huitième du produit.

Sur ces tenanciers, dont l’État n’avait point à s’occuper, les seigneurs avaient, dans leur cour de manoir, pleine justice civile et criminelle, sans appel. C’était, pour les vilains comme pour les seigneurs, le régime féodal dans toute sa pureté.

Tel était le gouvernement, ou plutôt telle était la société qu’un sage composait de toutes pièces à l’avance, pour un pays où une poignée d’hommes, tous égaux par le travail, défrichaient péniblement, et à la sueur de leur corps, cette terre qu’un philosophe vouait, du fond de son cabinet, à une perpétuelle inégalité, à un servage éternel.