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qui se firent jour et qui n’étaient pas à leur place. Les États aimaient mieux se défendre chez eux et payer une milice, que de laisser le congrès entretenir des troupes trop considérables. Le second sentiment était la personnalité des États, très-bonne chose en soi-même, mais très-mauvaise quand elle est exagérée. Chaque État voulait agir de son propre chef, si bien qu’on arrivait à ce résultat bizarre, que le même homme pouvait être payé deux fois plus cher pour être simple milicien dans l’État où il était né que pour défendre la patrie commune en qualité de soldat.

Cette mauvaise organisation, cette absence d’unité amena des désastres terribles. Au début de la guerre, Washington fut battu à Long-Island, obligé d’évacuer l’État de New-York, et de se retirer sur Philadelphie avec une poignée d’hommes. Et bientôt le congrès lui-même fut obligé de fuir de Philadelphie. Il fallait se tirer d’affaire ; dans ces tristes circonstances, on recourut à la ressource suprême, on concentra tous les pouvoirs entre les mains d’un homme ; heureusement c’était une décision qui n’était pas dangereuse pour l’Amérique, parce que l’Amérique avait Washington. On donna donc au général un pouvoir dictatorial. En le lui donnant, le président du comité, Robert Morris, lui dit que le congrès se félicitait de remettre un pareil mandat entre les mains d’un homme à qui on pouvait donner la puissance la plus illimitée, sans que la sécurité, la liberté et la propriété des citoyens fussent le moins du monde en danger. Washington répondit avec sa grandeur habituelle : « Au lieu de me croire affranchi de toute obli-