Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 3.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monde, vous avez toujours à craindre que les Anglais, qui, de nature, sont très-curieux, ou que tout autre peuple ne prenne envie de se mêler de vos affaires. Il faut donc une armée et une marine. Pour une armée et une marine, il faut de l’argent, et, par conséquent, il faut un certain pouvoir financier. Or, aujourd’hui la défense nationale est chose très-compliquée et très-chère ; la guerre est devenue une grande industrie, une industrie, il est vrai, qui ne produit rien, qui a la destruction pour objet, mais enfin une très-grande industrie. Bâtiments cuirassés, canons rayés, c’est de l’industrie très-perfectionnée ; mais pour tout cela, il faut beaucoup d’argent, et il n’y a qu’un moyen pour en avoir, c’est de mettre des impôts considérables. À une nation qui veut tenir son rang dans le monde, il faut donc nécessairement un gouvernement central qui ait un droit de représentation au dehors, un certain pouvoir législatif au dedans, et en outre le droit de lever des troupes, de percevoir des impôts et d’avoir des finances. Voilà les conditions coûteuses, mais nécessaires de l’indépendance nationale.

Dans le premier moment, l’Amérique n’y avait pas songé. On avait bien accordé au congrès le droit de représenter le pays au dehors ; ce n’était pas un sacrifice pour les colonies. Mais quand il fallut lever des troupes, alors deux sentiments se produisirent : l’un, particulier aux Anglais, l’horreur des armées permanentes, la crainte que des soldats de profession ne soient une arme contre la liberté, sentiment si fort, qu’au milieu même d’une crise de vie ou de mort, il y eut certaines jalousies