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du Pèlerin, de Bunyan ; en somme, c’était, si bien la même littérature que celle de la mère patrie, que cette identité a été longtemps un grand obstacle au développement littéraire de l’Amérique. Quand un peuple prend tous les livres d’un autre peuple, il faut qu’il y trouve une conformité singulière avec ses idées. Ainsi la littérature chinoise est peut-être très-belle, et M. Stanislas Julien vient de traduire un roman chinois qui est charmant ; mais ferons-nous notre lecture habituelle des livres chinois ? non, parce que nous n’y pouvons trouver qu’un intérêt de curiosité. Comment se fait-il alors que les Américains se soient nourris si longtemps des livres anglais ? C’est qu’ils y trouvaient l’expression de leurs idées, de leurs mœurs, de leurs habitudes.

Si ce n’est pas de la tradition littéraire, c’est peut-être de la tradition du droit qu’il s’agit. Les colons ont emporté avec eux les lois de la mère patrie ; la Common-law est toujours citée en Amérique, et il y a les mêmes rapports entre les législations anglaise et américaine qu’entre notre législation et celle de la Belgique. En Belgique, nos lois sont en vigueur, avec quelques modifications ; on se sert des arrêts de notre Cour de cassation. Une décision prise par les juges de Westminster a aussi son écho de l’autre côté de l’Océan. En Amérique, comme en Angleterre, domine l’esprit légal et processif, et il en sera toujours ainsi chez les peuples libres. Dans les pays où il n’y a pas de liberté, on n’est pas processif, on intrigue ; tout est faveur et privilège ; dans les pays libres on plaide, car là tout se résout en une question de droit.