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moins remarquable, parmi les citoyens les plus obscurs, vous ne rencontrerez pas un Anglais qui ne connaisse et qui ne garde sa généalogie. Cet esprit est celui des Américains. À l’époque de la révolution, Washington savait parfaitement d’où provenait sa famille, et quand Franklin, qui était le fils d’un marchand de chandelles, et qui avait été lui-même ouvrier imprimeur, vint en Angleterre comme agent de la Pensylvanie, un de ses premiers soins fut d’aller chercher dans la province l’endroit où ses ancêtres habitaient. Encore aujourd’hui, vous ne trouverez pas un livre américain, pas une biographie anglaise qui ne commence par une généalogie. Demandez à un Français ce qu’était son grand-père, il vous le dira peut-être, mais combien y en a-t-il qui se soient jamais inquiétés de leur bisaïeul ? Les Américains, ajoute-t-on, n’avaient pas de traditions. Qu’entend-on par traditions ?

Est-ce la vie de famille, le culte du foyer ? Les Anglais ont emporté là-bas leurs mœurs ; leurs fêtes se célèbrent aux mêmes époques de l’année ; ils ont la même façon de vivre, et il n’est pas douteux qu’aujourd’hui un Américain et un Anglais sont moins séparés par la tradition qu’un Français et un Anglais.

Est-ce de la tradition littéraire qu’on veut parler ? Mais les premiers émigrants étaient des gens de classe moyenne qui trompaient les ennuis de la mer par la lecture et les sermons ; ils emportaient avec eux cette Bible anglaise qui est un monument de la langue, comme la Bible de Luther en est un pour les Allemands. Puis c’était Milton, et les sermons puritains, et le Voyage