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mots pour plaire aux Anglais ; la faiblesse des Anglais, c’est de croire qu’eux seuls peuvent être libres parce qu’ils ont une aristocratie.

Mais cette question de l’aristocratie, c’est la question même de l’esclavage. Il y a dans le Sud des gens qui s’appellent la Chevalerie du Sud. Ils sont chevaliers à la façon de notre ancienne noblesse ; ils ne font rien, ils s’approprient le travail d’autrui, et donnent en récompense une médiocre nourriture et souvent des coups à ceux qui travaillent pour eux. Je vois bien là une aristocratie, mais on n’exigera pas que je la respecte !

Reste une autre raison qui est à notre adresse, et qu’on n’a que trop répétée : c’est l’indépendance. Quand on nous parle d’indépendance, à nous autres, Français, nous sommes comme des chevaux de guerre qui entendent sonner la trompette. Un peuple qui se révolte, c’est magnifique ! C’est l’Italie qui rejette le joug de l’Autriche ; nous allons au secours de l’Italie. C’est la Pologne qui nous tend les mains, et nous sommes tout disposés à aller nous battre pour la Pologne ! Cela est beau, je suis fier de cet entraînement de mon pays ; j’aime les faibles et les opprimés. Mais ce grand mot d’indépendance peut cacher toute autre chose. Si demain en France naissait une autre Vendée, si l’Alsace voulait se séparer, nous prendrions notre fusil, et nous dirions : En avant. Eh bien ! en Amérique, que se passe-t-il ? Je vois partout des populations de même origine et nulle part des opprimés. L’insurrection du Sud a armé les frères contre les frères.