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l’emporte à un moment donné sur le lien fédéral ; la constitution nouvelle proclame ce principe dangereux. Évidemment, un contrat fédéral qui peut se rompre au gré des États confédérés, c’est la plus singulière des associations ; elle porte en son sein l’anarchie et la dissolution, car elle ne tient que par la bonne volonté des parties et elle est à la merci des passions humaines. C’est retomber dans tous les vices de la confédération de 1776, et détruire l’œuvre politique de Washington et de ses amis. Aussi a-t-on, selon moi, introduit cette disposition moins pour servir à l’avenir, que pour justifier le passé et amnistier la sécession.

La constitution nouvelle s’occupe ensuite des maîtres et des esclaves ; il y a des dispositions qui ne proclament pas, en termes exprès, le principe de l’esclavage, mais qui au fond l’éternisent et le sanctifient.

Il est décidé que les maîtres pourront se transporter avec leurs esclaves partout où ils voudront, et que, si on ouvre de nouveaux territoires, chacun pourra s’y établir avec ses esclaves. C’est là le début de la nouvelle constitution. Celle de 1787 s’ouvre par une protestation en faveur de la liberté ; la constitution de 1863 établit au contraire que le monde est partagé en deux classes, les heureux et les misérables. Ceux-ci sont condamnés à l’être éternellement. C’est une constitution qui nous reporte au delà du Calvaire, et qui déclare que la destinée des faibles est de souffrir et d’être écrasés. Voilà la tache de cette constitution ; c’est par là qu’elle se distingue tristement de la constitution fédérale.