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et tranquille. Et cependant nous voici errants sur le grand océan des affaires humaines. Il n’y a pas de phare qui nous guide ; nous courons je ne sais où. L’opinion s’est enflammée par cette innovation dangereuse ; la Convention aurait dû améliorer le vieux système ; c’était là son seul mandat, elle n’en avait pas d’autre. »

La réponse était trop facile. La Convention n’avait pas fait de constitution. Elle n’avait fait qu’un projet de constitution. Elle avait par conséquent le droit de dire : Nous, le peuple ; de même qu’un ministre du gouvernement impérial a le droit de dire : Napoléon, par la grâce de Dieu, bien qu’assurément ce ministre ne soit pas Napoléon et ne soit pas nommé par la grâce de Dieu. En pareil cas, le libellé de l’acte n’est rien, c’est la signature qui fait tout. Mais Patrick Henry sentait qu’on allait faire une nation et ne le voulait pas. Il a eu tort ; la nation s’est faite, et il est singulier que soixante-quinze ans après on vienne protester contre une pareille création.

Cette accusation d’usurpation était pour Patrick Henry l’arme avec laquelle il écrasait ses adversaires. Il y joignait une cruelle ironie. Il demandait à cette assemblée de Virginie, qui avait joué un si grand rôle, ce qu’elle deviendrait quand elle en serait réduite à faire des lois d’intérêt local. Il disait que la révolution qui avait séparé l’Amérique de la Grande-Bretagne n’était rien auprès de celle qu’on préparait, car maintenant il ne s’agissait de rien moins que de remettre les droits des États entre les mains du congrès. Il ajoutait : « Je suis républicain, je voterai contre ces mesures. »