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grand État allait faire tomber au second rang une foule de gens. C’est du congrès fédéral dont on s’occuperait, et non de la législature du Connecticut ou de la Virginie. De plus, on avait contre soi les agitateurs qui vivent au milieu du désordre comme le poisson dans l’eau, se souciant fort peu de voir rétablir l’ordre, qui n’enrichit que les honnêtes gens. Or ces partis, qui ont joué un grand rôle chez nous à l’époque du Directoire, jouaient aussi un grand rôle en Amérique. Rien n’est plus agréable que de faire sa fortune à la loterie des spéculations. Je ne dis pas que ce soit bon au point de vue moral, mais les gens qui font ce métier n’ont peut-être pas grand’chose à perdre sous ce rapport. D’un autre côté, de prétendus patriotes criaient au peuple : « On va vous donner un gouvernement à la mode anglaise, nous serons les esclaves de l’aristocratie. » Il y a en tout pays une foule moutonnière, qui va du côté où l’on crie le plus fort : Liberté ! liberté ! et se laisse mener au despotisme par le chemin de l’anarchie. En Amérique cependant, cette foule-là était peut-être moins nombreuse qu’ailleurs. Il était donc nécessaire de se saisir de l’opinion, de faire sentir au pays la nécessité d’un gouvernement centralisé. C’était chose difficile. On n’avait plus à mettre en avant ce grand mot si séduisant de liberté ; il fallait parler d’ordre aux Américains, et il semble toujours, quand il parle d’ordre, qu’un homme politique soit l’ennemi de la liberté, tandis qu’au contraire cet homme se dévoue à la liberté. Cette œuvre patriotique fut celle d’Hamilton, de Jay et de Madison. Dans une série de lettres, où l’intelli-