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que lui ont voué les Américains ? Nous n’avons pas, nous autres, cette faiblesse. Pour nous, les constitutions sont des enfants charmants à leur naissance, que la France doit un jour épouser, mais qui meurent toujours avant l’heure des fiançailles. Ce sont probablement des enfants qui ont trop d’esprit, c’est pour cela qu’ils ne vivent pas.

Il n’en est point de même chez les Américains. La constitution prend place dans leur estime tout auprès de la Bible ; cela tient à une raison particulière qu’il est bon d’expliquer.

Quand nous cherchons où est pour nous, Français, la patrie, nous trouvons dans le passé la royauté ; là où était le roi, là était la France. Dans les temps modernes, c’est le drapeau qui est devenu la patrie, c’est aussi le territoire. Ce territoire, nous avons tellement lutté pour le défendre, rougissant de notre sang chaque motte de terre, que ce pays nous est cher ; nous l’avons payé avec le sang de nos veines ; la France, nous l’avons faite morceau par morceau. En Amérique, rien de semblable. Il n’y a jamais eu de royauté, de pouvoir central autour duquel on pût se réunir ; ce n’est pas un peuple puissant qui a fondé l’Amérique ; les colonies se sont formées par des essaims d’émigrants, venus de tous les points de l’horizon, et qui se sont éparpillés sur un territoire immense. Ce territoire, rien ne le limite ; on ne sait guère où il commence ni où il finit, et il est difficile que les citoyens de Boston aient une bien grande tendresse de cœur pour les habitants de la Californie. La patrie pour l’Américain, ce n’est pas non