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projets seront confondus ; nous serons la honte et la risée de l’avenir. Et ce qui est pis, après ce triste exemple, l’humanité désespérera d’établir un gouvernement par l’effet de l’humaine sagesse ; elle abandonnera cet établissement au hasard, à la guerre et à la conquête. »

La proposition de Franklin ne fut pas adoptée : non qu’on ne la trouvât raisonnable et qu’elle ne répondît aux idées de la majorité du congrès, aujourd’hui encore le congrès s’ouvre par des prières faites tour à tour par des pasteurs de toutes les églises ; mais on craignit d’effrayer l’opinion, on savait déjà au dehors que la Convention était fort agitée — on sait toujours ce qui se passe dans une assemblée qui discute portes closes ; — on eut peur que cette invocation suprême ne répandît encore davantage le trouble dans les esprits.

Peu à peu on se rapprocha ; c’est le mérite de la constitution américaine qu’elle a été faite par des sacrifices mutuels. Si personne ne peut dire : c’est moi qui l’ai faite, chacun peut dire : j’ai fait adopter telle clause, cédé sur telle autre. Ce fut l’œuvre commune des plus grands esprits, des meilleurs patriotes de l’Amérique.

Une fois cette constitution terminée, il se trouva qu’elle ne contentait personne. Ce n’était pas la preuve qu’elle ne valût rien, au contraire. Une constitution n’est point une de ces œuvres tout d’un jet qu’un homme tire de son cerveau, et qui lui font le même plaisir qu’un poème fait éprouver à celui qui l’a conçu et versifié. C’est une transaction entre des intérêts di-