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mort ? Non : celui qui avait retiré chez lui un prêtre, sur la simple constatation de son identité, était condamné également. Ces choses-là se feront toujours au nom du peuple. Mon Dieu ! souvent ce ne sont pas de méchantes gens, des hommes cruels, ceux qui votent ces lois terribles. Il y a souvent des histoires comme celle de ce farouche législateur qui, dans l’Oncle Tom, vient de voter la mort pour celui qui cachera un nègre fugitif ; sa femme lui dit : il y a là un nègre à sauver, et le sénateur furieux, furibond, devient un cocher philanthrope qui fait passer le nègre au Canada. Il en est du juge comme du législateur : c’est sa faiblesse et sa dépendance qui souvent le rendent injuste. Il faut donc que la justice ait une force qui lui permette de résister aux passions populaires. Cette force, c’est l’inamovibilité.

Dans la monarchie, il y a une base fixe. Le prince a un intérêt personnel à se conserver, on peut croire qu’il n’ira pas au delà d’un certain terme. Dans la démocratie, le peuple n’a pas de modérateur ; il faut par conséquent trouver un frein qui le maintienne. Dans la république, ce qui garantit l’indépendance de l’individu, c’est le respect de la loi ; la loi est le rempart de la liberté. Il faut donc qu’il y ait des hommes qui n’aient, par profession, par religion, d’autre pensée que celle de faire respecter la loi ; c’est pour cette raison que l’inamovibilité est établie. Il se forme là un certain esprit qui fait que le magistrat peut nous paraître formaliste et difficile ; mais, quoiqu’il nous paraisse souvent étroit, cet esprit est excellent à sa place : il fait que le juge au