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pables aux fonctions judiciaires ? donnez-leur une existence honorable, indépendante, et vous aurez donné la meilleure garantie à la bonne administration des lois. C’est donc dans l’intérêt de la justice, qui est l’intérêt commun, qu’on a établi l’inamovibilité des juges. Est-ce que la question change quand c’est le peuple qui est souverain ? Est-ce qu’un peuple, comme tous les despotes, ne peut avoir ses caprices ? Entre nous, nous en sommes de ce peuple, et quand nous nous regardons dans un miroir, nous voyons bien que nous ne sommes pas parfaits ; or, nous pouvons bien avoir les mêmes défauts en général qu’en particulier. Est-ce que nous n’avons pas vu le peuple en vouloir au capital, et s’imaginer que s’il le détruisait il s’enrichirait. Aujourd’hui, au contraire, le peuple commence à comprendre qu’il peut se faire à lui-même un capital par la pratique de l’épargne, ce qui donnera un jour aux ouvriers des villes la même âpreté pour défendre le capital, qu’aux paysans pour défendre la terre ; mais enfin, il n’y a pas longtemps qu’on criait après l’infâme capital. Supposez que le peuple eût nommé des juges à cette époque, il aurait nommé des juges qui auraient prononcé pour les débiteurs contre les créanciers légitimes. Que deviendraient le commerce et le travail dans de pareilles conditions ?

Quand un peuple a des passions, rien ne lui coûte pour les satisfaire. Nous ne vivons pas si loin du temps où un prêtre était condamné à mort parce qu’il ne voulait pas mentir à sa conscience en prêtant serment à la constitution. Mais était-ce lui seul qu’on condamnait à