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côté des affaires humaines, et qui ont toujours confondu deux choses distinctes, le pouvoir du peuple et la liberté.

Dire qu’un peuple peut tout faire, cela ne veut pas dire qu’un peuple soit libre, et on peut être certain que plus on donne un pouvoir actif au peuple, moins il a de liberté. Je suppose qu’on décide que tous les magistrats seront nommés tous les trois mois, tous les professeurs tous les quinze jours, je réponds d’une chose, c’est qu’on aura de très-mauvais juges, de très-mauvais professeurs. Le peuple sera tout-puissant, en sera-t-il plus libre ?

Dans les États où on a décidé qu’on aurait des juges pour cinq ans, ce sont les avocats sans cause qui se font nommer ; ils sont charmés de gagner mille ou quinze cents dollars en devenant juges ; mais ce sont de très-pauvres magistrats.

Vous pouvez donner au peuple un rôle actif, lui créer des occupations constantes dans son gouvernement, vous ne lui donnerez pas pour cela la liberté. Vous le mettrez sous la servitude d’un certain nombre de gens remuants qui voudront profiter des passions populaires ; vous créerez des politiqueurs, des gens dont le métier sera de mener le peuple par le nez pour se faire donner des places. La liberté est tout autre chose : c’est le règne de la loi, la loi faite par le peuple et pour le peuple, mais sagement faite. Eh bien, en quoi l’inamovibilité des juges est-elle contraire à la liberté ? Si l’inamovibilité judiciaire doit donner la meilleure justice possible, comment peut-il y avoir une souveraineté