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En France, si un tribunal a jugé conformément à la loi, si la cour d’appel a jugé contrairement à la loi, la cour de cassation casse, et renvoie devant une autre cour. En Amérique elle annule l’appel, et c’est le premier jugement qui prévaut. Tel est ce système qui a pour lui la simplicité et la brièveté.

Le rôle politique que depuis trois quarts de siècles a joué la Cour fédérale ne saurait assez s’apprécier.

Il fallait appliquer la constitution ; les États particuliers ne souffraient qu’avec répugnance le lien fédéral qui les resserrait. Le peuple acceptait avec reconnaissance cette réunion en une seule nation ; mais les États, qui avaient leurs vieux préjugés, résistaient sourdement à ce gouvernement suprême, et vous voyez que depuis soixante-quinze ans la lutte a duré et a fini par amener la guerre civile actuelle. Le bonheur a voulu qu’à l’origine la présidence de la Cour fédérale tombât entre les mains d’un homme à qui, je ne crains pas de le dire, l’Amérique doit peut-être son unité, après Washington. Cet homme est John Marshall, qui est resté trente-cinq ans président de la Cour fédérale, car, chose étrange, depuis le commencement du siècle la Cour fédérale n’a eu que deux présidents. Le premier est John Marshall, qui succéda à John Jay ; le second est M. Taney, qui vit encore[1]. La Cour fédérale, jusqu’en 1835, fut donc représentée par John Marshall, qui a laissé aux États-Unis un nom entouré d’une vénération profonde. C’était un ami de Washington, ami

  1. Il vient de mourir et a été remplacé par M. Chase.