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du professeur n’est pas celui du savant. Un professeur est un intermédiaire entre les savants et, je dirais presque les ignorants, si vous me permettiez une expression si peu polie. Sa mission est de gagner les cœurs à la vérité et de les décider à l’action ; il faut donc qu’il prenne des sujets d’un intérêt présent ; il ne lui est pas défendu de considérer, d’un point de vue scientifique, les besoins actuels de son pays. C’est pour cela que je suis heureux cette année d’avoir à m’occuper de la constitution des États-Unis, parce que j’y vois beaucoup à apprendre pour nous.

Quelles sont ces objections ? Elles sont spécieuses et demandent à être examinées de près.

Vous allez, dira-t-on, nous parler de la constitution des États-Unis : si vous aviez choisi ce sujet il y a quatre ans, nous l’aurions compris. L’Amérique était alors le désespoir des anciens gouvernements. Une république prospère depuis soixante-dix ans, une démocratie qui vivait heureuse et tranquille, sans armée, sans administration hiérarchique, sans gouvernement centralisé ; un pays où la vie était plus facile qu’ailleurs, où la population progressait d’une façon extraordinaire ; c’était le temple et l’asile de la liberté ; c’est là que se rendaient les cœurs généreux pour qui les vieilles institutions européennes étaient un joug trop lourd. Mais aujourd’hui la plus effroyable de toutes les guerres, la guerre civile, bouleverse l’Amérique. Considérez dans quel abîme est tombé ce peuple naguère si heureux : la haine la plus atroce que le monde connaisse, celle du frère contre le frère, y règne partout ; il n’est pas de famille